A la fin du XIXe siècle, la consommation de tabac commence à faire débat en France et les ligues anti-tabac se multiplient. C'est dans ce contexte que le magazine bimensuel "Le Tabac" décide, à la fin de 1890, d'interroger les sommités du Tout-Paris littéraire, artistique, scientifique et mondain, en leur posant la question suivante : "Etes-vous pour ou contre le tabac ?". Les réponses recueillies ont été publiées dans le journal durant toute l'année 1891, puis réunies en 1892 dans un petit ouvrage qui vient tout juste d'être réédité par Les Editions du Sonneur (image ci-contre). Parmi les "contributeurs", une centaine au total, on retrouve notamment Jules Clarétie, Adolphe d'Ennery, Charles Garnier, Paschal Grousset, Pierre Loti, Stephane Mallarmé, Hector Malot, Albert Robida, et bien sûr Jules Verne. On pourrait d'ailleurs se demander ce que notre grand auteur vient faire dans cette galère puisque son épouse, Honorine, déclarait dans une interview(*) publiée un an plus tôt que son mari "ne fum(ait) jamais" !
Cependant, s'il est vrai que Jules Verne ne fumait pas lui-même, les fumeurs étaient loin de le laisser indifférent. Dans L'Ile Mystérieuse par exemple, la description de l'addiction de Pencroff, Bonaventure de son prénom, est des plus réalistes. Et que dire de cette véritable apologie du tabac que constitue Kéraban-le-Têtu, un ouvrage dans lequel il va même jusqu'à faire dire à son héros "J'ai pour le tabac une telle prédilection, que j'aimerais mieux mourir que d'y renoncer" ? Quant à savoir si réellement Jules Verne ne fumait pas, sa réponse au journal reste à cet égard assez ambiguë. La voici :
"Le tabac ? Connais pas, n'ayant jamais fumé que les cigares de la Régie !"
Une réponse en forme de boutade certes - les cigares de la Régie Française étaient réputés tellement mauvais à l'époque qu'on les soupçonnait de ne pas être composés de feuilles de tabac mais de feuilles de choux (lire à cet égard l'ouvrage d'Alphonse Allais "Pas de bile !", publié en 1893) - mais une réponse qui semble néanmoins indiquer que Jules Verne ne dédaignait pas un petit cigare de temps en temps...
Pipe Butz-Choquin Jules Verne |
7 commentaires:
Certes dans les entretiens Honorine semble parfois penser plus à la réputation de son mari qu'à la vérité stricte.
En tout cas, Verne et Cie ont pris soin de se munir du tabac pour le voyage en Norvège (1861).
Jules Verne fumait modérement ; il a fumé toute sa vie. C'est ce que dit son petit fils dans l'opuscule " vingt mille ronds de fumée" extrait de la revue de la SEITA " flammes et fumées " dans les années 80.
Cher JP ,
là , vous venez de décrocher le Saint Graal !!!!
Un commentaire de Sir William en personne ...
Drôle de personnage cependant ... s' il n'en tenait qu' à mon opinion.........
Cher Passepartout,
Vous reprendrez bien un cigare ?
"Acceptez ce cigare, Monsieur Aronnax, et, bien qu'il ne vienne pas de La Havane, vous en serez content, si vous êtes connaisseur."
Je pris le cigare qui m'était offert, et dont la forme rappelait le londrès; mais il semblait fabriqué avec des feuilles d'or. Je l'allumai à un petit brasero que supportait un élégant pied de bronze, et j'aspirai ses premières bouffées avec la volupté d'un amateur qui n'a pas fumé depuis deux jours.
"C'est excellent, dis-je, mais ce n'est pas du tabac.
- Non,, répondit le capitaine, ce tabac ne vient ni de la Havane ni de l'Orient. C'est une sorte d'algue, riche en nicotine, que la mer fournit, non sans quelque parcimonie. Regrettez-vous les londrès monsieur ?
- Capitaine, je les méprise à partir de ce jour.
- Fumez donc à votre fantaisie, et sans discuter l'origine de ces cigares. Aucune régie ne les a contrôlés, mais ils n'en sont pas moins bons, j'imagine.
- Au contraire."
Un fumoir à bord du Nautilus ? "Seita" n'y pas croire et ce n'est pas une blague ! Si notre écrivain amiénois l'introduisit dans son roman, c'est que, à mon humble avis, les "volutes" ou autres mollusques gastéropodes ne se trouvaient pas toutes par plusieurs centaines de brasses au fond de l'océan : les descendants de Monsieur Nicot devaient bien lui rendre hommage sans penser aux conséquences de leur plaisir.
"Smoking or no smoking" ? Cigares et cigarettes régi... ssaient-ils la vie de l'oncle Jules ?
A nouveau, un mystère opaque qui brouille les pistes. Aucun indice ne filtre, aucun tuyau ne nous est donné. La postérité ne pipe mot. Qu'importe !
N'en déplaisent aux esprits fumeux, nous continuerons à lire les pages des "Voyages". La frontière entre aspirations et inspirations n'est pas plus grosse qu'une feuille de cigarette.
Alors, retenez votre souffle ! Lisez ou relisez les bonnes feuilles de notre confectionneur de première qualité.
Il n'y a pas de fumée sans feu ... sacré.
Bonne lecture !
Didier.
Cher JP ,
on l'a bien dit : serions-nous une "grande société malade" avec le talent en moins ... ?
Cher JP ,
la grande maladie de notre société n'est pas le manque de talent.
C' est la suffisance...et l'insuffisance...de nos soi-disants intellectuels.......
Cher anonyme,
La suffisance et l'insuffisance de nos soi-disant intellectuels ... De quels intellectuels parlez-vous ?
Cordialement,
Didier.
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