Voici deux extraits d'un échange de lettres* intervenu en décembre 1879 entre Jules Verne, qui demeurait à Amiens (encore au 44 Bld Longueville à l'époque), et Pierre-Jules Hetzel à Paris :
Jules Verne : " Je vous écris à midi par 20 degrés de froid, et 1 degré seulement dans mon cabinet. Mais ma cheminée me rôtit les jambes et cela me suffit. Tâchez de m'écrire un petit mot, mon cher Hetzel, si votre encre n'est pas gelée. Je vous embrasse bien..."
Réponse de Pierre-Jules Hetzel : "Le temps abominable qu'il fait va nous faire manquer notre campagne (ndlr : les ventes de fin d'année). Les transports, les correspondances, tout est ou entravé, ou interrompu (...). Avec un feu permanent, à côté de la fenêtre de mon cabinet, j'ai les doigts et tout le côté paralysés par le froid. Je ne parviens pas à faire monter - et il est trois heures ! - la température au-delà de 5 degrés. Nos deux calorifères ont claqué. Nous avons fait installer quatre ou cinq poêles à gaz, rouvert des cheminées. Nos employés ont tous la colique, et leurs mains gelées me font peine à voir...".
On se croirait dans les Aventures du Capitaine Hatteras. Il faut dire que cet hiver 1879 fut particulièrement rigoureux dans toute l'Europe. Sans doute le plus froid et le plus long de tout le XIXe siècle. Les premières températures négatives ont commencé dès la fin de novembre et elles ne sont redevenues (à peine) positives que début janvier. Et n'imaginez pas des -2° ou des -5°, pas même des -10° ou des -15°, non, carrément des -24° et même des -25°, et ceci pas à Besançon, mais bel et bien à Paris, les 8 et 9 décembre 1879 ! Quoique, il est vrai, aucune ville n'a été épargnée, comme en témoigne cette photo de Nantes prise à la même époque :
Et ce n'est pas tout ! Selon les journaux de l'époque, entre le 4 et le 5 décembre, la neige est tombée à Paris pendant 30 heures sans discontinuer ! Dans sa réponse à Jules Verne, Hetzel n'exagérait pas : comme en témoignent les gravures ci-dessous, la circulation des personnes et des biens était totalement entravée. Il a fallu réquisitionner les "sans-travail" (il y en avait déjà !) pour aider les cantonniers à libérer les rues de la capitale. Tous les véhicules étaient également réquisitionnés pour transporter la neige et la déverser dans les égouts ou dans la Seine (gelée elle aussi bien entendu !).
Déneigement des rues de Paris en décembre 1879 |
Déversement de la neige dans la Seine du haut du Pont Napoléon III. |
Au total, en cette fin d'année 1879, on a dénombré à Paris 33 jours consécutifs de gel, de fin novembre à fin décembre, 13 jours de chutes de neige, et près de 30 jours consécutifs de neige au sol !
NB : sur ce même thème, notez qu'à l'occasion du colloque international "Canicules et froids extrêmes (L'évènement climatique II)", qui se tiendra à Paris le 20 janvier prochain, M. Daniel Compère, Maître de conférences à la Sorbonne et fondateur du nouveau Club Verne, donnera une conférence intitulée "Le froid, le blanc et le fantastique chez Jules Verne". Espérons qu'il n'y aura pas trop de neige...
* Source : Correspondance inédite de Jules Verne et de Pierre-Jules Hetzel, établie par Olivier Dumas, Piero Gondolo della Riva et Volker Dehs, Editions Slatkine, Genève, 2001.
NB : sur ce même thème, notez qu'à l'occasion du colloque international "Canicules et froids extrêmes (L'évènement climatique II)", qui se tiendra à Paris le 20 janvier prochain, M. Daniel Compère, Maître de conférences à la Sorbonne et fondateur du nouveau Club Verne, donnera une conférence intitulée "Le froid, le blanc et le fantastique chez Jules Verne". Espérons qu'il n'y aura pas trop de neige...
* Source : Correspondance inédite de Jules Verne et de Pierre-Jules Hetzel, établie par Olivier Dumas, Piero Gondolo della Riva et Volker Dehs, Editions Slatkine, Genève, 2001.
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